MÉMOIRE DU THORPE RECOVERY CENTRE

Les avantages économiques immédiats et à long terme du traitement des troubles mentaux et de la dépendance pour les Canadiens et le Canada

Introduction

En 1975, le Thorpe Centre à Lloydminster, en Alberta, a commencé pour la première fois à soutenir les personnes qui luttaient contre la toxicomanie. Il a depuis été en mesure d’aider des milliers de résidants au Canada à trouver l’espoir et à se rétablir pleinement. Notre longue expérience nous permet de comprendre l’impact considérable que les services de traitement peuvent avoir sur le plan individuel et communautaire.

La toxicomanie pèse lourdement sur l'économie canadienne, directement par les coûts imposés aux systèmes de santé et de justice pénale, et indirectement par les pertes de productivité découlant des décès prématurés et de la maladie. 

Le traitement est très rentable pour les Canadiens. Il diminue les taux d’incarcération ainsi que les coûts de notre système de santé. Nos clients deviennent des membres productifs de la société plutôt qu’un fardeau pour nos régimes d'assistance sociale. Nous recommandons donc d’investir dans une infrastructure qui offre des programmes de rétablissement aux militaires, aux jeunes et aux Autochtones du Canada.

Coût de la dépendance

Il y a de nombreux coûts liés à la dépendance, et c’est peut-être sur l’ensemble du pays, plutôt que les toxicomanes eux-mêmes, que se répercutent les coûts financiers les plus exorbitants. Au Canada, l’abus d’alcool et d’autres drogues coûte 40 milliards de dollars par an aux contribuables (Heritage Home). Environ 61 % de cette somme sert à payer les coûts indirects liés à la perte de productivité dans le lieu de travail ou à la maison ainsi qu’aux mesures de soutien à court et long termes aux personnes incapables de travailler à cause de la toxicomanie (Alberta Health Services, 2006). Les coûts directs des soins de santé représentent 22 % de la somme totale, ce qui comprend les dépenses d’hospitalisation et de médicaments délivrés sur ordonnance (Alberta Health Services, 2006). Enfin, les coûts directs liés à l’application de la loi constituent 14 % des 40 milliards de dollars en raison de la forte corrélation entre la dépendance et le crime (Alberta Health Services, 2006). C’est une somme considérable qu’on dépense inutilement pour réagir à ce fléau alors qu’on devrait s’en servir pour désintoxiquer le toxicomane et en faire un membre fonctionnel et productif de la société.

 On a signalé qu’en 2002, 6,2 % de tous les décès de Canadiens âgés de moins de 70 ans étaient liés à l’alcool (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2007). Cela signifie qu’en une année, 8 103 de nos compatriotes ont perdu la vie à cause de cette substance (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2007). Ces chiffres ne tiennent compte que de l’alcool comme facteur de mortalité; si on ajoute le tabac et les drogues illicites, environ 21,4 % des décès au Canada en 2002 peuvent être attribués au tabac, à l’alcool ou à ce genre de drogues (Rehm et coll., 2006).

Coût de l’emprisonnement

Selon des statistiques, 70 % des contrevenants sont incarcérés en partie à cause de l’alcool ou des drogues (Rideauwood Addiction and Family Services). En 2004 et 2005, un détenu sous responsabilité fédérale coûtait 259,05 $ par jour à l’État (PrisonJustice.ca, 2008). Comme la durée de détention dans un pénitencier fédéral est de deux ans au minimum, un détenu coûtera donc au moins 189 106,50 $ aux contribuables canadiens.

Avantages de l’investissement dans le traitement

En 1999, le rendement des fonds investis dans le traitement d’un toxicomane était de l’ordre de 5,6 pour 1 (Rideauwood Addiction and Family Services), ce qui signifie que pour chaque dollar d’impôt investi dans des centres de traitement, le gouvernement en a récolté 5,60. Cet argent représente par exemple des économies faites dans les domaines de la santé, de l’assurance-emploi et divers autres programmes sociaux, ou des revenus accrus après que le toxicomane a commencé à se réintégrer dans la société et à payer des impôts.

Groupes particuliers

Adolescents et jeunes

La consommation d’alcool et de drogues chez les jeunes constitue aujourd’hui une des grandes préoccupations au Canada. Selon des statistiques, un grand nombre d’adolescents, les futurs leaders de notre nation, font une consommation d’alcool ou d’autres drogues à risque élevé à cette étape de leur vie. Presque 61 % des élèves de la 7e à la 12e année boivent de l’alcool (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2008). Le pourcentage d'élèves qui ont des habitudes de consommation à risque, c’est-à-dire que l’alcool qu’ils prennent à de sérieuses incidences négatives sur eux, se situe à 19 % (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2008).

S’il est vrai que l’alcool est la principale substance dont les jeunes Canadiens font une consommation excessive, on remarque qu’ils ont une tendance accrue à fumer du cannabis et à utiliser de façon abusive des médicaments délivrés sur ordonnance. Quelque 15 % des élèves de la 7e à la 12e année consomment quotidiennement du cannabis, et 3 % des élèves en sont déjà dépendants (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2008). Vingt et un pour cent des élèves interrogés ont reconnu prendre des médicaments délivrés sur ordonnance pour des raisons non médicales (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2008).

Personnel militaire

Après leur retour de missions à l’étranger, de nombreux militaires présentent maintenant des symptômes de troubles de stress post-traumatique (CBC News, 2011). Au cours des prochaines années, nous nous attendons à recevoir des militaires qui reviennent de la guerre dans notre centre de traitement. Ces hommes et femmes auront besoin d’obtenir des services qui peuvent traiter leurs symptômes de traumatisme et leur dépendance.

Population autochtone

Il ressort des statistiques récentes que la santé mentale des Autochtones au Canada est préoccupante. À titre d’exemple, 8 % de la population canadienne a indiqué avoir souffert de dépression majeure. Dans le cas de la population autochtone, la proportion est de 16 % (Khan, 2008). Ce groupe démographique a un taux de dépression deux fois plus élevé que la population générale. Chez les Autochtones, l’alcool est la principale substance consommée de façon abusive, et 58,4 % des personnes qui sont traitées en sont dépendantes (Série de recherches de 2007 de la Fondation autochtone de guérison). Dans un sondage, 25 % des membres des Premières nations du Canada ont reconnu avoir un problème d’alcool (Khan, 2008). Compte tenu du taux de dépendance dans la population canadienne générale – établi à environ 10 % ‑ on remarque un grand écart entre les deux pourcentages.

Personnes ayant des troubles concomitants

Environ 20 % des Canadiens ayant des troubles de santé mentale souffrent également de la toxicomanie (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2009).

Un des grands sujets de préoccupation concernant la santé mentale est la hausse du taux de dépression. L’Organisation mondiale de la Santé a publié un rapport dans lequel elle affirme que la dépression pourrait être le fardeau médical le plus lourd pour la société d’ici l’an 2020 (Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2009). Il est très important que les services de traitement soient capables de s’attaquer aux deux problèmes.

Recommandations

Comme nous l’avons déjà dit, nous offrons des services de traitement à de nombreux Canadiens depuis 35 ans. Nous avons été témoins des répercussions positives de ces services sur nos clients et sur le pays dans son ensemble. Nous recommandons donc au Comité permanent d’investir dans une infrastructure qui offre des programmes de rétablissement aux militaires, aux jeunes et aux Autochtones du Canada.

Sommaire

Le Thorpe Centre est lui aussi confronté aux défis qui se posent au gouvernement, à la société, à la famille et aux gens concernant les problèmes épineux liés à la santé mentale et à la toxicomanie. L’investissement dans ces domaines entraîne des changements considérables pour la collectivité et les personnes traitées. Notre rapport donne un aperçu des avantages que récoltera notre gouvernement en investissant dans le traitement de la dépendance et des troubles de santé mentale. Nous avons également parlé du coût que doivent assumer notre système de santé et notre système juridique lorsqu’on n’offre pas de services de traitement en raison du manque de financement de la part du gouvernement.

Le présent rapport porte sur les questions suivantes :

·         le coût de la dépendance;

·         le coût de l’emprisonnement;

·         les avantages de l’investissement dans le traitement

Les groupes étudiés en particulier dans le présent rapport sont :

·         les adolescents;

·         les militaires;

·         la population autochtone;

·         les personnes ayant des troubles concomitants.

Le rapport se termine sur des recommandations pour le Comité permanent.

Bibliographie

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Rehm, J., D. Baliunas, S. Brochu, B. Fischer, W. Gnam, J. Patra et coll. (2006), The Costs of Substance Abuse in Canada 2002, Ottawa: Canadian Centre on Substance Abuse.

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